vendredi 5 avril 2013

Les voyages qui reconstruisent

Une jour, lors d'une conversation téléphonique avec ma mère, celle-ci me confiait sa grande souffrance par rapport à la solitude. Elle m'expliquait que toute sa vie elle en avait souffert. Mais que cette souffrance, elle l'apprivoisait tout doucement. Qu'à force de souffrir de quelque chose, on finit par s'en approprier et ne faire qu'un avec. C'est à ce moment-là que l'on peut affirmer « Quelle belle souffrance! ». De ma personnalité vraiment très cartésienne, je trouvais cette affirmation complètement insensée. Je lui répondit alors « Mais c'est complètement absurde ce que tu dis. Qui dans ce monde a envie de ou prend plaisir à souffrir? Peu importe que cette souffrance soit physique, psychologique ou émotionnelle. Tous les êtres humains ne sont pas masochistes. » Et j'ajoutais « C'est parce que tu n'as rien fait pour tenter d'éliminer cette souffrance que t'es encore aux prises avec. Quand on souffre de solitude, faut aller vers les gens, faut bouger, trouver des activités qui nous intéressent, qui nous fait rencontrer des gens. Tu ne fais rien de tout cela. » lui ai-je dit. Avec son calme et sa patience légendaire, elle m'a alors répondu que c'était une perception qui m'appartenait à moi seule. Ma façon à moi de voir les choses. Et qu'il faudrait que j'apprenne que les gens n'ont pas tous la même vision de la vie que moi, que nous avons tous des caractères différents qui font qu'on réagit tous différemment aux difficultés de la vie. Qu'il fallait que j'apprenne à respecter cela. Elle avait raison! Belle leçon de tolérance que j'ai reçue ce jour-là.

Les difficultés et les obstacles que nous rencontrons au cours de notre vie nous font grandir. Nous font voir la vie autrement. Nous permettent d'évoluer et de réagir autrement face aux problèmes de la vie. Je me rends compte depuis mon arrivée en Italie que je suis justement confrontée à une certaine solitude. Et je suis bien consciente que j'ai choisi cette situation de partir seule. Et puis sincèrement, je n'en souffre point. Ce qui me manque un peu, c'est un certain échange social. De pouvoir communiquer librement avec les gens de mon environnement. De comprendre d'avantage la manière de penser et de réagir des italiens du sud. Après tout, n'était-ce pas une des motivations de ce voyage? M'imprégner de l'esprit italien, des mœurs, de la culture. Mais d'un autre côté, je réalise que le but de ce voyage n'était pas nécessairement celui que j'avais préconisé. La vraie raison pour laquelle je me retrouve ici, c'est pour faire face à moi-même, à la personne que je suis devenue après cette longue période de deuil émotionnel. À Montréal, il m'est facile de ne pas faire face à moi-même. Je dispose de tous les moyens et de l'entourage pour me permettre de m'évader, de m'étourdir, de m'éloigner de mes souffrances intérieures. Ici, je n'ai pas le téléphone qui sonne à tout moment pour me proposer une sortie, je n'ai pas la possibilité de voir et partager un repas avec mes amis et je n'ai pas non plus le loisir d'exprimer mes sentiments à qui que ce soit, du fait que j'ai beaucoup de mal à communiquer en italien. J'essaie donc de créer certains liens un peu chaque jour, avec le boucher, la pâtissière du coin et le marchand de tabac. Des banalités de la vie du style «Hum … plutôt froid aujourd'hui n'est-ce pas? » Mais c'est nettement insuffisant pour apprendre une langue et créer des liens avec les gens.

Mais cette phrase « Quelle belle souffrance! », je ne l'ai jamais oubliée. Et aujourd'hui, j'en comprends d'avantage le sens. Je me souviens l'état d'esprit dans lequel j'étais il y a moins d'un an. Ma vie était complètement anéantie par la perte de mon noyau familial. Je n'avais plus de repères, plus rien de motivant pour m'accrocher à ma propre vie. Et puis petit à petit, j'ai commencé à remarquer le verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide. J'ai vu que j'étais entourée de gens exceptionnels qui me respectent et m'apprécient pour ce que je suis. Que ce soit mes amis, mes collègues de travail, je ne suis vraiment pas seule dans la vie. J'ai alors réalisé que j'ai beaucoup de chance. Ce qui fait que je porte beaucoup moins attention à mon mal intérieur. Le deuil de ma mère est toujours là en moi. Il y sera tout aussi longtemps que je vivrai. Mais la douleur de la perte est moins grande de jour en jour. Le sentiment d'abandon est beaucoup moins omniprésent. Je constate le cheminement que j'ai fait face à cette souffrance. Comme disait Marielle, je m' « approprie de cette souffrance pour ne faire qu'un avec elle ». Mais il me reste tant de travail à faire face à moi-même. Moi qui n'ai jamais douté de rien, je dois réapprendre à faire confiance à la vie et redécouvrir les forces que je possède en moi. Regagner cette confiance à la vie que j'avais autrefois J'ai bon espoir que ce moment de solitude y contribuera certainement. E viva la vita! Advienne que pourra!


1 commentaire:

  1. ...faire face à la vie. C'est ça! Chacun est différent dans la vitesse et la profondeur à laquelle il se rends à sa prochaine étape! Merci de partager ça avec nous.

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